Vivre une peine d'amour sans sombrer

 Section amour g

Vous avez mal à la tête, votre cœur bat la chamade, votre estomac se retourne. Tantôt vous n'avez pas d'appétit, tantôt vous mangeriez une montagne. Parfois vous êtes incapable de dormir et si vous y arrivez, vous faites des cauchemars. Vous avez des crampes, des nausées, des étourdissements. La seule idée d'aller travailler ou de sortir avec des amis vous rend malade. Vous êtes complètement obsédé par votre amour perdu et vous avez de la difficulté à vous concentrer. Pas de doute! Vous êtes en sevrage d'amour! Vous souffrez... et c'est normal! Comme c'est le cas lorsqu'une personne apprend qu'elle est atteinte d'un mal incurable, l'annonce de la rupture amoureuse mène à de multiples émotions selon un schéma assez prévisible. Ces émotions s'accompagnent souvent de symptômes physiques, que l'on compare à ceux que ressentent les toxicomanes en période de sevrage. 

Le sevrage
On parle de sevrage lorsque l'arrêt ou la diminution de la consommation d'une substance entraîne une modification inadaptée des comportements avec des répercussions physiologiques et cognitives. Habituellement, les symptômes de sevrage sont à l'opposé des effets de la substance. Si vous vivez une peine d'amour, les critères du sevrage selon le DSM-IV (« Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders-4th Edition ») de l'American Psychiatric Association devraient vous être familiers : développement d'un syndrome qui cause une souffrance significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines importants et dont les symptômes ne sont pas dus à un trouble mental. Quelles sont donc ces substances qui provoquent les mêmes effets de sevrage chez l'amoureux que l'héroïne ou les amphétamines chez le toxicomane?

Le rôle des émotions sur le cerveau
Il est connu que certaines drogues d'origine externe comme l'alcool, la cocaïne ou l'héroïne ne créent pas des états affectifs chez l'humain mais qu'elles agissent plutôt en augmentant, en diminuant ou en perturbant les états affectifs déjà présents. Les émotions agiraient de la même façon en poussant notre cerveau à sécréter des substances qui modifient nos perceptions. Certaines de ces substances activent les centres du plaisir, d'autres ceux de la douleur. Lorsque nous tombons amoureux a phényléthylamine (PAE) agit comme une amphétamine naturelle et nous met dans un état d'excitation et d'énergie débordante. La PAE agit donc directement sur le système du plaisir. Pendant la phase d'attachement, le cerveau commence à produire d'autres hormones, les endorphines, qui agissent plutôt comme des opiacés en freinant continuellement les cellules nerveuses du locus coruleus, un petit noyau situé dans le tronc cérébral qui serait responsable de la souffrance et de l'anxiété. Après une rupture amoureuse, la sécrétion des endorphines baisse, ce qui provoque une activation du locus coruleus. Privé de son frein, le locus coruleus active à son tour le système P, lui-même responsable d'un état d'excitation exacerbé voisin de l'anxiété. Pour la personne abandonnée alors qu'elle est encore attachée, la rupture se compare au sevrage brutal aux opiacés et elle peut manifester, à des niveaux variables, des signes qui y ressemblent : douleur physique, repli, anxiété, agressivité, passivité et dépression. En fait, selon les psychologues, la peine d'amour présente cinq stades plus ou moins immuables selon les individus et le type de relations amoureuses : le choc et le refus d'accepter, la colère, le marchandage, la dépression et l'acceptation. Et ils se sont penchés sur les moyens de s'en sortir la tête haute. 


Le refus d'accepter et l'isolement
Après le premier choc, la plupart des amoureux déçus ont tendance à refuser la réalité. Si vous ne vous séparez pas par consentement mutuel, il est probable que l'annonce de la rupture vous prendra de court. Vous n'avez rien vu venir, alors que l'autre a eu le temps de s'habituer à l'idée et de se préparer au changement. L'autre a peut-être même entrepris une nouvelle relation. Et vous ne pouvez pas croire que vous en êtes rendu là. Vous aurez sans doute tendance à vous isoler de vos amis et de votre famille et fuir les contacts avec les autres. 

Acceptez votre douleur. Pleurez si vous en avez envie. Ne tentez pas de nier vos sentiments. Efforcez-vous de rencontrer votre famille et vos amis, mais accordez-vous aussi le temps de vous retrouver avec vous-même. La douleur porte en elle son processus de guérison. Refuser de la reconnaître ne peut qu'augmenter les angoisses et les frustrations et retarder le processus.

La colère
Les reproches vous envahissent. Vous êtes furieux envers l'autre. Vous vous en voulez de ne vous être douté de rien. Vous en voulez à ses amis et à sa famille de ne pas vous avoir soutenu. Vous vous sentez bafoué, abandonné, bref vous en voulez à la terre entière. 

Ne laissez pas les reproches prendre le dessus et surtout, n'essayez pas de vous venger. Il est prouvé que les personnes qui ont de bonnes habitudes de vie supportent mieux la douleur et le stress. Adoptez une diète équilibrée, faites régulièrement de l'exercice, buvez beaucoup de liquide et ne lésinez pas sur le sommeil. Prenez un soin particulier de vous-même et accordez-vous des petits plaisirs. Vous vous sentirez mieux et vous retrouverez un peu d'estime pour vous-même.


Le marchandage
Vous voulez retarder autant que possible la rupture définitive. Vous faites tout pour vous rendre désirable et pour vous réconcilier. Tous les prétextes sont bons pour revoir l'être aimé. Vous vous arrangez pour provoquer « accidentellement » sa rencontre. Vous l'appelez au beau milieu de la nuit et prétextez une urgence. Vous insistez, argumentez, harcelez ou espionnez. Votre amour-propre est au stade néant et vous allez même jusqu'à supplier qu'on vous reprenne. Vous seriez prêt à tout pour qu'on vous donne une deuxième chance! 

Résistez! Vous êtes en sevrage, ne l'oubliez pas. Vous devez impérativement couper tous les liens avec l'autre. Interceptez vos pensées et redirigez-les vers d'autres qui vous apportent du plaisir. Débarrassez-vous de tout ce qui pourrait vous rappeler l'autre. Ne téléphonez pas et n'essayez pas de le rencontrer. Au bout de trois mois, vous serez probablement « désensibilisé » et votre amour-propre, intact, vous en saura gré.

La dépression
La réalité a envahi votre cerveau. Tout doucement, le désespoir, l'impuissance et la tristesse sont votre lot quotidien. Vous pleurez sans raison apparente, vous avez de la difficulté à vous lever le matin, vous avez perdu l'appétit et vous êtes incapable de vous concentrer. Vous vous barricadez chez vous et ne répondez plus au téléphone. Vous pensez que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue et que jamais vous ne retrouverez le bonheur. 

Ne prenez pas de décision importante. Ce n'est pas le temps de quitter votre emploi ou de liquider vos biens. Même si ce n'est pas facile, essayez de conserver un rythme de vie régulier. Ne relâchez ni votre alimentation ni vos activités physiques. Efforcez-vous de vaincre votre isolement. Et surtout, n'hésitez pas à chercher de l'aide si vous en sentez le besoin. Un psychothérapeute peut s'avérer très utile dans ces moments-là.


L'acceptation
Toutes ces étapes peuvent être vécues dans un ordre différent et l'intensité des sentiments varier selon les individus. Guérir d'une peine d'amour peut parfois demander cinq ans. La perte est importante. Vous devez renoncer à vos espoirs, à vos rêves et à vos projets d'avenir. Et puis un beau jour, vous ouvrez les yeux et vous vous rendez compte que vous n'êtes plus triste. Vous n'êtes plus en colère non plus. Vous avez repris le contrôle de vos émotions. Une vie nouvelle vous attend et vous avez bien l'intention d'en profiter. Ça y est, vous êtes guéri et vous allez survivre.